Une nouvelle ère du crime numérique

Des spécialistes de l’industrie informatique ont mis en garde le Congrès américain contre la montée rapide des crimes commis à l’aide de l’intelligence artificielle (IA).
Fraudes, vols d’identité, extorsions par deepfake… les criminels exploitent désormais des outils puissants pour mener des attaques numériques d’un nouveau genre.

« L’avenir du crime sera défini par l’intelligence artificielle », a déclaré Ari Redbord, directeur des politiques chez TRM Labs, une société spécialisée dans l’analyse des données pour lutter contre la fraude et le blanchiment d’argent.

Selon un rapport de Chainabuse, une plateforme de signalement des crimes informatiques, les délits impliquant l’IA ont bondi de 456 % entre mai 2024 et mai 2025. La question centrale examinée par la sous-commission judiciaire de la Chambre des représentants est donc claire : comment les autorités peuvent-elles suivre le rythme face à ces nouvelles menaces ?

L’accès facile à l’IA accroît les risques

« Les criminels figurent souvent parmi les premiers à adopter les technologies de rupture », a rappelé Redbord.
Avec la démocratisation de l’intelligence artificielle, il est désormais plus simple que jamais d’utiliser ces outils à des fins illicites.

Les logiciels d’IA deviennent plus performants, moins chers et accessibles à tous — y compris aux délinquants.
« À mesure que le coût du crime diminue, le volume et la complexité des attaques vont exploser », prévient Redbord.

Parmi les exemples cités au Congrès :

Des escrocs ont usurpé la voix d’un PDG grâce à l’IA pour convaincre une banque de transférer des fonds.

Dans un autre cas, un faux appel vocal imitant la voix d’une jeune femme a trompé sa grand-mère, qui a envoyé 1 000 dollars au Mexique, pensant venir en aide à sa petite-fille hospitalisée.

Les logiciels malveillants autonomes : un nouveau danger

Les experts alertent sur l’émergence de malwares autonomes, capables de modifier leurs propres codes pour contourner les défenses de cybersécurité.
Ces programmes peuvent apprendre et s’adapter en temps réel, rendant la détection presque impossible pour les systèmes de protection traditionnels.

Un outil à double tranchant

Mais l’intelligence artificielle n’est pas qu’une menace : elle représente aussi un atout pour les forces de l’ordre.
Les autorités peuvent s’en servir pour identifier plus rapidement les criminels, retracer les flux financiers illicites et analyser d’immenses volumes de données afin de repérer des schémas suspects.

« Nous constatons chaque jour comment l’IA est utilisée à la fois pour prévenir et faciliter les activités criminelles », souligne Zara Perumal, cofondatrice d’Overwatch Data.

Appels à la régulation et à la protection de la vie privée

Le Congrès américain examine plusieurs propositions visant à financer le développement d’outils d’IA et à former les forces de l’ordre à leur usage.
Mais certains élus, comme Lucy McBath, mettent en garde contre les dérives potentielles d’un recours excessif à ces technologies.

Selon elle, l’IA pourrait menacer la vie privée des citoyens respectueux de la loi, en donnant aux autorités un accès sans précédent à des bases de données biométriques et médicales.
« L’intelligence artificielle n’est aussi fiable que les données sur lesquelles elle est entraînée », a-t-elle rappelé.

Entre sécurité et libertés : un équilibre fragile

Pour McBath, les législateurs doivent définir et instaurer rapidement des garde-fous clairs.
Le défi pour le Congrès — et la société tout entière — sera de harnacher la puissance de l’IA pour lutter contre le crime, sans compromettre les libertés civiles ni la protection de la vie privée.

Une chose est sûre : une véritable course technologique est engagée entre la criminalité et la justice.
Son issue déterminera l’avenir de la sécurité et de l’État de droit à l’ère numérique.